Pour une décentralisation qui reconnaisse pleinement le rôle de solidarité et d’équilibre des départements


La décentralisation  est une question d’intérêt général

Il est coutume de dire que la réforme de l’action publique, le nouvel acte de décentralisation actuellement préparé, n’intéresse que les seuls élus et ne passionne guère nos concitoyen(ne)s.

Corollaire de ce point de vue, nombreuses sont les analyses qui attribuent toute la paternité des pistes de réformes engagées aux seuls groupes d’élus de collectivités, autrement qualifiés fréquemment de lobbies. Ainsi, la réforme ne serait-elle que la seule synthèse des positions cumulées de l’association des maires, des départements ou des régions …

Au-delà de ces commentaires, il m’apparaît fondamental de rappeler le lien qui unit l’organisation administrative et politique de notre pays, au contenu des politiques publiques mises en œuvre et au modèle de société que nous construisons. Oui, la décentralisation a été facteur de progrès et d’efficience de l’action publique  dans des domaines aussi divers que l’action sociale, l’éducation, les transports … Oui, la décentralisation est facteur de participation des citoyens aux décisions qui les concernent. Dans la République, cette question n’a eu de cesse d’être posée en ces termes : quel est l’échelon qui garantit le meilleur usage des moyens publics en même temps qu’il est facteur d’approfondissement de la démocratie ? Et quels sont les outils qui garantissent l’égalité entre les citoyens selon qu’ils vivent dans des territoires riches ou pauvres ? C’est à la lumière de ces principes simples que je veux questionner l’actuel projet de loi de réforme de l’action publique.

Renforcer certains échelons de l’action publique ….

Les évolutions du monde appellent certainement que certains des échelons de l’action publique territoriale soient renforcés. L’action  économique par exemple ne saurait se satisfaire de trop de dispositifs éclatés qui n’auraient pour seules conséquences que d’anesthésier la puissance publique confrontée à la puissance de l’économie privée. L’émergence de régions et de métropoles fortes est une nécessité que chacun admettra pour être d’intérêt général.

… sans affaiblir la solidarité et en renforçant la participation des citoyens

Mais la crise de modèle de développement que nous traversons appelle tout autant que soient prises en comptes les principes de solidarité et de participation accrue des citoyens à la décision publique. Et c’est sur ces derniers points que je conteste, par certains aspects, le projet de loi qui est actuellement présenté et les commentaires absurdes qui concernent la place des départements.

De l’absurdité du discours sur la suppression des départements …

Sur ces derniers, il conviendrait, à tout le moins, que ceux qui en appellent à la fin des départements fassent preuve de mesure et de discernement. En Bretagne, par exemple, le budget cumulé des départements est pour 3 fois supérieur à celui de la Région. Notre action concerne des domaines essentiels tels l’action en direction des personnes âgées et des personnes handicapées, l’accompagnement des demandeurs d’emplois et le versement du RSA, les transports interurbains, le réseau routier, les collèges … En Ille et Vilaine, ce sont près de 4000 agents du département qui agissent au quotidien sur tout le territoire départemental et plus de 10 000 emplois que nous finançons dans les établissements et structures dévolus à la solidarité (maison de retraite ou foyers pour personnes handicapées par exemple …). Aussi, les propos incantatoires qui appellent à la suppression des départements sont-ils pour le moins légers, sinon irresponsables ! Qui donc exercera les missions dévolues actuellement au Conseil général ? Croit on vraiment faire des économies en transférant ces compétences, notamment sociales, aux intercommunalités, entendu que chacune devra reproduire une ou plusieurs directions de l’action sociale, un ou plusieurs schémas d’intervention … ?

Madame la Ministre n’a pas cédé à ces sirènes idéologiques. L’actuel projet de loi n’entend pas faire disparaître une quelconque « mille-feuille », terme usurpé au regard du nombre d’échelons sensiblement égal en France à la moyenne européenne, ni supprimer la clause de compétence générale, principe constitutionnel qui permet l’action au près des besoins des habitants d’un territoire.

Le fait métropolitain doit être locomotive et non facteur d’inégalités

Toutefois, je souhaite attirer l’attention sur les dispositions prévues à l’article 96 relatif aux « métropoles de droit commun » prévues dans le texte prochainement présenté au Conseil des ministres. J’ai en effet la conviction qu’elles introduisent un biais de nature à fragiliser l’égalité des droits des citoyens sur le territoire national.

En effet, cet article oblige les départements à déléguer, par convention, leurs compétences aux métropoles qui seront créées par la nouvelle loi. Dans les 10 départements concernés, ce conventionnement obligatoire ne manquera pas de provoquer des déséquilibres de fait entre les territoires d’un même département.

Pour la lisibilité et la clarification attendue des compétences des collectivités, on repassera : dans un même département, deux communes voisines pourront voir intervenir deux niveaux de collectivités différents pour un même domaine d’action.

Plus grave, il est à craindre que la qualité du service rendu aux usagers soit différente en considération du lieu de résidence des habitants sur le territoire départemental. Ainsi, les métropoles, lieux de concentration de la richesse, auront des moyens supérieurs aux départements qui ne s’occuperont plus que des territoires les plus fragiles.

Le projet de loi doit donc être révisé

L’émergence du fait métropolitain comme le renforcement des régions peuvent être des locomotives pour la France entière. Ils ne sauraient, a contrario, être facteurs de renforcement des inégalités. De surcroît, le principe de conventionnement obligatoire, tel que prévu à l’article 96 de l’actuel projet de loi, est contraire à la Constitution qui dispose qu’aucune collectivité ne saurait exercer de tutelle sur une autre.

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