Projet de loi d’habilitation: mon discours après CMP


La Commission mixte a supprimé quelques amendements de la droite du Sénat mais la mouture finale n’en reste pas moins marquée par des orientations ultra-libérales :

  • simplification pour le chef d’entreprise pour licencier plus facilement et moins cher, modifier les contrats de travail, exiger des sacrifices supplémentaires ….
  • C’est une grande régression sociale. Le salarié n’est pas seulement un producteur de richesse, c’est avant tout un citoyen qui a droit au respect de sa dignité, à la juste rémunération de sa contribution à la prospérité nationale et qui doit être un acteur du devenir de l’entreprise.

Ainsi, aux ambitions exprimées « urbi et orbi » de favoriser la compétitivité et, en même temps,  d’accroître la sécurité professionnelle, seules des latitudes nouvelles sont octroyées aux entreprises en détricotant les dispositifs qui protégeaient les salariés des abus, de l’arbitraire, de la précarité.

Tout concourt à la réduction de l’implication syndicale, instrument nécessaire à l’expression de ceux qui ne sont pas entendus :

  • La fusion des IRP
    • Une manière de diminuer la représentation syndicale – le nombre d’heures affectées – le nombre de délégués syndicaux – de représentants du personnel
    • La dilution des CHSCT est un danger pour les salariés et, partant, pour l’entreprise. Vous dîtes  offrir les mêmes compétences aux commissions. Comment y croire ? il suffisait de conserver les CHSCT.
  • Limitation du nombre de mandats .

    •  Négocier, face à un professionnel exige,  non seulement de  maîtriser la matière juridique, les évolutions de carrière, le droit du travail- mais aussi d’apprendre sur le tas, les stratégies, les écueils à éviter. La vertu n’inspire pas toujours chacun des citoyens. Vous dîtes « confiance », c’est votre slogan maintes fois répétés. Mais la confiance, ça se mérite. Croyez-vous que votre texte soit de nature à l’instaurer ?
  • Les négociations collectives sans représentants syndicaux ni mandatements. La porte ouverte à tous les abus, toutes les pressions :

    • Parce que 96%, dîtes-vous, des PME TPE n’ont pas de délégué syndical. Osons dire que, parfois, elles ne le souhaitent pas
    • N’oublions pas qu’en cette période de chômage élevé, une grande inquiétude étreint les salariés. 63% craignent de perdre leur emploi – ce n’est pas sans conséquences sur les votes extrêmes – c’est dire si chacun d’eux se sent vulnérable et, plutôt contraint à la complaisance. Quelle valeur aura alors un accord d’entreprise accepté dans l’angoisse ?
    • Il aurait eu une autre grandeur, le défi que vous auriez pu vous lancer de favoriser le développement de la représentation syndicale. Mais vous faîtes l’inverse en lui déniant, dans les faits, toute utilité.
  • Le référendum à la main du patron
    • Contrairement à l’affirmation selon laquelle ça existe déjà, la consultation effectuée par le chef d’entreprise est une aide à la décision mais n’a aucune valeur légale. Vous voulez la lui donner :
      • Pour des licenciements sans soucis
      • L’élargissement du travail de nuit
      • Des contrats de travail modifiés
      • Des conditions dégradées
      • Etc…

Le projet de loi  va fabriquer de la précarité et de la régression sociale :

  • La présomption de légalité de l’accord d’entreprise conduira le juge à restreindre son contrôle sur les accords collectifs.
  • La réduction des délais de recours manifeste une volonté de limiter le nombre des victimes demandant réparation.
  • Le plafonnement de l’indemnisation du préjudice subi suite à un licenciement constitue un vrai déni de justice :
    • Vous nous donnez comme alibi ou justification Des rapports de 1 à 3 (selon l’Express) voire de 1 à 4 (devant nous) pour des situations que vous dîtes semblables. Alors que les jugements sont individualisés, aucune situation ne peut ressembler à une autre.
    • L’analogie avec la justice pénale est totalement injustifiée. Elle prononce des sanctions contre les auteurs de délits. Il s’agit, ici, des victimes. Et les victimes, dorénavant, n’auront pas droit à pleine et entière réparation.
    • Vous nous dîtes, pour justification, les délits graves échappent au plafonnement. Parce que vous pensez qu’un licenciement ce n’est pas une tragédie pour le salarié – pour sa famille – Combien en sortiront meurtris, humiliés. Et plafonnés dans leur droit à réparation ?

 

  • La pénibilité
    • Vous introduisez une dichotomie regrettable entre les professionnels exposés alors qu’il s’agit de la santé, de l’intégrité physique et mentale  et de la durée de vie des ouvriers concernés.
    • Vous abandonnez le choix de la prévention quand il s’agit de s’attaquer à la plus grande injustice qui soit.
    • Les difficultés d’appréciation sont bien réelles mais votre attitude est constante : la cause est juste mais elle est difficile à satisfaire, alors abandonnons la cause.

 

  • Et les contrats de chantiers:
    • la précarité sans la prime de précarité. Le licenciement sans les avantages du licenciement économique. Je fais parfois un cauchemar : ce serait que sa généralisation  invite les entreprises à l’utiliser en lieu et place du CDI : des millions de travailleurs précaires en France interdits d’accès au logement, aux banques, à la sécurité du lendemain. A-t-on vraiment mesuré les effets toxiques de cette généralisation ?

 

  • Et, pour justifier, vous chargez la France de tous les maux, ses charges sociales, ses rigidités, son incapacité à innover, réagir. Et pourtant, les investissements étrangers productifs ont encore fait un bond très important en 2016. Maso les étrangers ou attirés par la qualité de services publics, la productivité de ses travailleurs, ses équipements, ses infrastructures ?

Alors  que les indicateurs économiques sont au vert, que la croissance repart, vous pensez que l’économie gagnera en vitalité par la dérégulation du marché du travail.

Mais il ne peut y avoir de véritable croissance sans confiance en l’avenir, de la part des citoyens, des salariés, des entreprises, tous ensemble. Et la confiance dont vous avez bénéficié j’ai peur que vous ne soyez en train de l’éroder par ces mesures par trop déséquilibrées.

Vous voulez gagner de la croissance en fragilisant les salariés. Vous récolterez la révolte des salariés et une économie, de nouveau, à la peine.

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