Edito – Clause de compétence générale : halte aux idées toutes faites !


J’ai lu « l’analyse » de Michel Urvoy dans l’édition du journal Ouest-France du mercredi 5 février dernier et je dois dire que j’avais été habitué à plus de rigueur de la part de ce journaliste. En évoquant la suppression de la clause de compétence générale comme une mesure de bon sens au regard des « gaspillages » qu’elle provoquerait, il se fait l’écho d’un slogan, d’un discours maintes fois répété sans que jamais cette théorie n’ait été démontrée.

Une capacité à agir intimement liée aux principes de la démocratie locale

La clause de compétence générale est d’abord consubstantielle du statut de collectivité territoriale de plein droit. Ce vocabulaire juridique renvoie directement aux principes qui ont accompagné la décentralisation. C’est la clause de compétence générale qui distingue une administration des territoires par l’Etat, d’une République décentralisée où les citoyens peuvent choisir les politiques mises en œuvre dans leurs territoires.

Ainsi, la clause de compétence générale nous permet-elle de définir des priorités d’action en Ille et Vilaine, pour l’égalité des chances ou l’équilibre territorial par exemple. Constatant l’inégalité d’accès à la culture des jeunes bretilliens selon leurs origines sociales, nous avons par exemple fait le choix de conditionner nos aides aux écoles de musique selon des critères de mixité sociale (1 % seulement des enfants inscrits étaient issus de milieux défavorisés dans certains territoires du département). De la même façon, c’est la clause de compétence générale qui nous permet aujourd’hui d’agir pour l’accès aux services publics et privés dans les territoires ruraux du département, menacés par un mouvement de concentration des activités dans les zones urbaines. La démarche « bouclier rural » (voir article …), unanimement saluée, s’appuie-t-elle ainsi sur la participation de tous (collectivités, Etat, opérateurs publics et privés) à un projet de territoire qui intègre toutes les questions qui font le quotidien de nos citoyens : l’accès aux services médicaux, aux commerces, aux services de transport, au numérique, à la culture, à l’éducation …

Plutôt qu’une affirmation péremptoire sur les compétences des collectivités territoriales, j’ai ainsi acquis la conviction que les solutions adaptées aux besoins réels des territoires exigeaient des moyens d’action qui, au-delà de la question financière, permettent aux acteurs locaux de se saisir des potentialités de leurs territoires d’action.

Suppression de la clause générale de compétence : des économies en trompe l’œil …

Si l’on observe l’évolution des dépenses consacrées aux prestations et services sociaux, la décentralisation a été facteur d’économie substantielle en même temps que la qualité du service à l’usager a été considérablement améliorée. Il en est ainsi par exemple des budgets relatifs à la PMI et la protection de l’enfance dont la croissance était de 15 % avant la décentralisation alors que nous l’avons ramené à 4 % aujourd’hui avec une efficacité beaucoup plus grande.

Ces économies sont directement le fait des politiques que nous menons pour agir sur l’environnement de la personne aidée. En agissant pour le logement, l’emploi ou encore l’accès à la culture, nous prévenons la déchirure du tissu social et diminuons l’action curative, couteuse et moins efficace.

En matière d’action sociale, le risque est grand que le cloisonnement de l’action publique n’entraine l’augmentation du recours aux services et aux prestations et, au passage, n’encourage la « générosité » des collectivités en charge exclusive de ces compétences. D’ailleurs, il est pour le moins curieux qu’un discours simpliste, désignant la clause de compétence générale pour responsable de tous nos maux, puisse prospérer alors même que le décloisonnement des politiques publiques est aujourd’hui exigé par tous les acteurs/opérateurs de l’action sociale en France.

… et une diminution des services apportés à la population

Sans que des économies certaines puissent donc être dégagées, l’on peut en revanche affirmer que cette suppression entrainera une diminution certaine des services rendus à la population. Il faudra expliquer, alors, qui financera les musiciens intervenants que nous mettons aujourd’hui à disposition des écoles élémentaires pour permettre la mise en place de la réforme des rythmes scolaires dans les territoires ruraux ? Il faudra dire qui financera le logement social que nous construisons et les centres bourgs que nous réhabilitons pour permettre l’aménagement équilibré de notre département ?

J’ai pour ma part la certitude qu’un repli des collectivités sur des champs de compétences exclusives ne manquera pas de légitimer l’inaction et de renforcer les inégalités territoriales. Ces « économies » se feraient donc sur l’autel des territoires pauvres lesquels recoupent de façon croissante les inégalités sociales dans notre pays. C’est bien le risque d’une spatialisation de l’accès au droit à laquelle cette suppression sans débat menace d’aboutir.

A ne raisonner qu’en comptable sur la fiscalité et les finances publiques, l’on finit par oublier que la grande finalité des pouvoirs publics c’est d’assurer l’épanouissement de tous pour la meilleure cohésion sociale. Si, seuls les chiffres ont la faveur de l’appréciation de l’action politique, alors pourquoi ne pas supprimer l’impôt ? Le contribuable sera épargné et l’usager paiera l’éducation, la culture, les transports, les routes, les équipements. Les usagers qui le pourront …

Enfin, je ne peux manquer de citer les investissements décisifs que nous conduisons en partenariat avec les autres collectivités locales et l’Etat pour l’avenir de notre territoire. La LGV ou le très haut débit ne pourraient se faire s’il n’y avait participation concertée de tous les bénéficiaires. In fine, ces financements croisés ne représentent qu’une part marginale de notre budget d’investissement (environ 6%). Mais cette part est indispensable à la modernisation de notre pays. Ce sont ces discours qui s’apparentent à la « Doxa » de Pierre Bourdieu et, donc sans argumentaire étayé, qui mettent en péril notre futur.

One thought on “Edito – Clause de compétence générale : halte aux idées toutes faites !

  1. Monsieur le président, je viens de tomber sur votre commentaire concernant la suppression de la clause de compétence générale. Je pense que votre critique s’adresse désormais au président de la République. C’est bien cela? MU.

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