L’année 2013 aura été marquée par l’expression d’inquiétudes diverses dans le monde rural pour lesquelles nous entendons apporter des solutions au-delà des constats partagés sur les difficultés que connaissent ces territoires. En effet, la crise économique et sociale que nous rencontrons depuis 2008 amplifie les tendances à l’œuvre qui font se rejoindre les inégalités sociales et les fractures territoriales dans ces territoires. Le mouvement de concentration des activités humaines, économiques notamment, est renforcé et la pression des prix immobiliers font s’éloigner les ménages les plus fragiles des centres urbains. C’est afin de lutter contre ces tendances et par conviction de la nécessité d’un aménagement équilibré et solidaire de nos territoires, que diverses initiatives voient le jour en France et dans notre département.
Je veux tout d’abord dire que le gouvernement a eu raison de prendre l’initiative de réformes concernant l’aménagement et la représentation des territoires, qu’il s’agisse des nouvelles lois de décentralisation ou de la modification de la carte des cantons. Contrairement à ce que je peux lire ici ou là, le statut quo et le laisser faire ne sauraient être des réponses adaptées à la situation actuelle. L’approfondissement des inégalités entre les territoires est en effet un mouvement antérieur aux réformes précitées. Celles-là s’inscrivent précisément dans une optique de renforcement de l’efficacité de l’action publique, d’une meilleure articulation entre les échelles territoriales d’intervention et d’une plus juste représentation de nos concitoyens. La métropole rennaise sera ainsi une locomotive utile à tout le département, lui-même consacré chef de file des politiques sociales, et sera susceptible d’irriguer des richesses dans tous les territoires, de Louvigné du Désert à Redon. De même, l’introduction de la parité stricte dans les petites communes et la révision de la carte des cantons d’Ille et Vilaine participent-elles d’une meilleure représentation des habitants, condition indispensable à la légitimité des interventions publiques.
De façon générale donc, j’ai acquis la conviction que l’intervention publique était une régulation indispensable à l’aménagement équilibré et opportun de nos territoires. Il n’y a pas, en la matière comme en économie, de malicieuse main invisible susceptible d’agir en considération de l’intérêt général. Et de la même manière qu’il faut s’extraire des antagonismes stériles entre ville et campagne, il est absurde d’opposer les légitimités de notre République décentralisée : celle-là est riche de la complémentarité des interventions de l’Etat, des régions, des départements, des communes et des EPCI qui la composent et la font vivre.
A notre échelle, celle du département d’Ille et Vilaine, nous avons pris l’initiative d’une démarche innovante, intitulée « Bouclier rural », pour protéger les territoires ruraux et promouvoir une alternative à l’aménagement sauvage de nos territoires. Considérant la transversalité des questions posées, nous avons fait le choix d’une démarche ouverte, incluant l’ensemble des opérateurs publics et privés qui concourent au développement des territoires. Une première réunion s’est tenue au mois d’avril dernier, en présence de Madame Lebranchu, Ministre en charge de la Décentralisation. Depuis, nous avons pris l’initiative de réunions spécifiques autour de trois questions : l’accès aux soins ; les équipements et services à la population ; la communication numérique et l’école. Ces réunions ont rassemblé tous les opérateurs majeurs intervenant sur ces questions : l’AMF, l’ordre des médecins, l’Université, les banques, l’ARS, Orange, La Poste, l’inspection académique, EDF …
Au cours de l’année 2014, nous soumettrons un rapport d’orientation et des propositions de nouvelles politiques publiques qui émaneront des auditions mentionnées ci-dessus. D’ores et déjà, nous pouvons tirer quelques conclusions provisoires des réunions qui se sont tenues : les opérateurs, notamment privés, jouent le jeu et sont sensibles aux préoccupations que nous exprimons avec les maires du département, le « tout – partout – tout le temps » n’est pas une option réaliste, une approche par bouquets de service doit être privilégiée en s’appuyant sur les modes de vie des habitants et l’échelle intercommunale est appropriée pour veiller à l’accessibilité de tous aux équipements et services essentiels.
En mettant autour de la table tous les acteurs qui, par leurs actions, sont responsables de la qualité de l’aménagement du département, nous entendons sensibiliser et coordonner l’action de ces derniers pour corriger les inégalités territoriales. Dans cet esprit, le « bouclier rural » pourrait devenir un observatoire des territoires autant qu’une plate forme visant à réguler la répartition des activités économiques et sociales dans le département. Au-delà des politiques que nous menons déjà de soutien aux territoires ruraux (Fonds de solidarité territoriale par exemple), nous pourrions envisager des mécanismes de solidarité dépassant les compétences du Département. Cette stratégie serait fondée sur un principe de responsabilité réciproque des opérateurs aux échelles territoriales appropriées aux besoins des habitants (départementale pour les équipements d’excellence, intercommunale pour la gamme de proximité …).
Cette initiative se veut contributrice d’une nouvelle façon d’envisager la politique et le partage des responsabilités. Les débats relatifs aux projets de décentralisation autant que les aspirations nouvelles à un surcroit de participation des acteurs de la société civile exigent en effet une conception davantage horizontale de l’action publique. Un temps avancées, les propositions de suppression de la clause générale de compétence et des départements étaient les fausses bonnes solutions à un environnement complexe qui mérite au contraire une intervention plus fine et partagée. En se proposant d’être un nouvel espace d’animation public/privé de l’aménagement de notre territoire, le « bouclier rural » se veut une anticipation d’une conception rénovée de la démocratie. Je nous souhaite, en 2014, d’y parvenir.