Les Primaires, pièges et enfer:


Empruntée aux Italiens, la procédure des primaires semblait auréolée de toutes les vertus. Ainsi, elle devait créer de l’effervescence par le suspens qui s’y attachait. Elle  donnerait de la visibilité aux propositions formulées par les candidats et engagerait  une dynamique relayée voire amplifiée par les médias qui y trouveraient une occasion de tenir le public en haleine. Et puis – cerise sur le gâteau – elle donnerait au gagnant de la confrontation,  une légitimité beaucoup plus large qu’une simple désignation par les militants de son parti politique.

Que des avantages donc ? voir !!!

Attardons-nous quelques instants sur les dernières primaires organisées tant pas la droite que par la Belle Alliance. Six millions d’électeurs – enfin presque, car la simple addition recouvre des doublons d’électeurs ayant voté dans les deux consultations – c’est une partie non négligeable du corps électoral. On pourrait en déduire que le caractère démocratique et significatif des opérations est amplement démontré. Une telle participation devrait éviter tout doute sur la pertinence de la procédure retenue. Et pourtant :

  • La droite confrontée au séisme qui a atteint son candidat ne dispose d’aucune souplesse pour s’adapter à la nouvelle situation. Qui a été consacré par le vote de quatre millions personnes ne peut être remplacé que par un vote organisé dans les mêmes conditions : ce que les délais trop courts et l’impossibilité de mettre en place une organisation très lourde interdisaient. Voilà donc le candidat plombé par les affaires et contraint, parce que ses nouveaux soutiens viennent de cet horizon, de radicaliser son discours et ses propositions vers une droite dure et intolérante. Ce qui n’était certainement pas l’orientation voulue par la majorité des électeurs qui l’ont désigné.

La primaire de la Belle Alliance offre-t-elle davantage de satisfactions ? Conduit-elle à la mobilisation derrière une candidature largement approuvée ? la promesse est loin d’être tenue :

  • Ainsi nombre de militants, sympathisants, électeurs du Parti socialiste ne se reconnaissent pas – loin s’en faut – dans le programme de Benoît Hamon. Ils s’en sentent tellement éloignés, le considèrent comme tellement irréaliste qu’ils peinent à s’engager dans la campagne électorale, dans le meilleur des cas. Dans le pire, ils désertent leur camp de toujours pour rejoindre les rangs des supporters d’Emmanuel Macron.
  • Ainsi les perspectives de qualification pour le second tour deviennent- elles plus qu’hypothétiques… Alors se pose la question terrible pour de nombreux militants : faudra-t-il choisir demain entre la droite dure de F. Fillon ou l’extrême droite violente de M. Le Pen ??? Quelle stratégie adopter alors ??

Pourtant, B. Hamon l’ayant emporté par une large majorité devrait être suivi dans l’enthousiasme. Ses propositions de candidat à la Présidence diffèrent assez peu – et plutôt avec une certaine atténuation – de celles formulées comme candidat à la candidature. Peut-être, pour comprendre, faudrait-il disposer de la composition politique et sociologiques des électeurs qui se sont déplacés lors de primaires de la Belle Alliance.

Pour avoir tenu, chaque dimanche un bureau de vote, je crois pouvoir émettre quelques hypothèses qui n’obéissent qu’à mon ressenti et ne présentent aucun caractère scientifique. Ainsi, dans une population que je connais bien ai-je pu effectuer quelques constats :

  • Se sont déplacés en quantité des électeurs dont la principale motivation était, non pas de choisir le meilleur candidat possible mais d’empêcher Manuel Valls ne prétendre à la fonction présidentielle. Les amertumes, les frustrations liées  au vote de la loi travail, les oppositions sur la déchéance de nationalité ont trouvé dans la primaire les moyens d’expression d’une revanche douce à prendre.
  • D’autres qui n’ont jamais voté socialiste et ne voteront jamais socialiste sont venus s’efforcer de troubler le jeu pour choisir celui qui leur semblait moins dangereux pour leur propre candidat.

Beaucoup de ceux-là n’ont aucune intention d’accompagner Benoît Hamon…

Ainsi des primaires ouvertes à tous peuvent-elles générer chez des militants engagés, actifs, présents à chaque appel pour distribuer, expliquer, convaincre, l’immense déception de se voir confisquer un choix qui devrait leur appartenir. Comment ne ressentiraient-ils pas amèrement – pour une partie d’entre eux – que la désignation du candidat qu’on leur demande de soutenir a été influencée par le vote de certains dont la profondeur des convictions paraît plus que douteuse ???

Nous ne pourrons pas, demain, ne pas tenir compte des enseignements douloureux de cette expérience aux résultats toxiques. En revenir à la désignation par les seuls militants ?

2 thoughts on “Les Primaires, pièges et enfer:

  1. Entièrement d’accord Jean Louis, je n’ai rien à rajouter à ton analyse.

    Mais lorsque l’on signe un engagement on s’y tient, combien de fois avons-nous, tous les deux, été mis en minorité et avons continué d’agir pour la majorité ?

    Bien que n’étant plus militant du PS je poursuivrais de ma vindicte les élus qui quittent le navire. Car je reste socialiste et n’ai rien à voir avec le monde de la finance.

    Très heureux de t’avoir lu cher Jean louis.

  2. Bonjour
    Je suis d’accord sur un seul point : une partie non négligeable des électeurs est venue voter contre Manuel Valls (en fait contre François Hollande).
    Moi aussi j’ai tenu un bureau de vote pour les primaires et j’ai été surpris par le nombre de « jeunes » (20 à 40 ans) qui sont venus voter. Bien sûr je suis incapable de préciser leur motivation, mais leur déplacement m’interpelle. La moyenne d’âge des votants me semble nettement inférieure à celle d’une réunion de militants…Je pense que la désignation du candidat socialiste par une poignée de militants aurait donné un résultat sans doute différent mais encore plus désastreux pour l’image du PS. Et de toute façon n’aurait pas empêcher la candidature Macron. Selon moi ce que les gens ne veulent plus c’est d’un parti socialiste au fonctionnement archaïque et surtout faussement démocratique. Et d’une certaine manière Benoit Hamon qui avait eu le courage de quitter un gouvernement ne pratiquant qu’une très lointaine politique de gauche représentait un espoir pour des gens de gauche ne voulant ni de Mélenchon ni de l’extrême gauche.
    Cela dit je n’ai pas de solution miracle à proposer…

    signé : un vieux militant qui pour la première fois depuis des décennies ne sait pas pour qui il va voter!

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